l’incursion…
Investir un marché, celui du cyclomoteur en France en 1963 semble relever de la gageure. Certaines de nos productions entament une agonie latente; à preuve les fusions entamées, officiellement annoncées afin d’affronter une concurrence légalisée par le Marché Commun.
Pourtant La morosité n’est pas encore annoncée en ce début d’année 1963 d’autant que nos constructeurs nationaux tiennent bien en main le marché de l’utilitaire, qui commence à s’exporter. En matière de cyclomoteurs sportifs, la clientèle est moins vaste et passionnée. D’où la difficulté de s’immiscer dans un créneau où les Itom et Péripoli tiennent une place d’honneur.
C’est justement en 1963 que la marque Superia choisit de s’implanter en France dans un marché honorablement bondé. Curieuse stratégie ? Il semble que le dirigeant compte sereinement sur les capacités d’adaptation de son entreprise sur les marchés étrangers. Il est vrai que Supéria semble experte en la matière. Elle exporte notamment quelque 150 000 bicyclettes d’un style « raleighien » aux Etats-Unis !
SUPERIA s’implante dans le nord en aménageant à Erquinghem une ancienne tannerie déchue. L’objectif consiste, par le biais de ces ateliers à adapter les fabrications selon les besoins des agents. Le principe de proximité ou de délocalisation ferait-il son chemin ?
les frères ennemis…
Superia n’est pas un novice et surtout pas en Belgique où il est couramment présenté, notamment par la presse spécialisée comme étant le deuxième constructeur de cyclomoteurs après… Flandria.
Une gamme hétéroclite…
Les ateliers Rémi Clayes fabriquent en 1957 des cycles, des motos, des triporteurs, des voitures d’invalides, des voitures d’enfants, des jouets roulants et des cyclomoteurs.
Autant dire que Supéria dispose d’une panoplie de marchés diversifiés et que son étiquette a de fortes chances d’être connue non par une seule tranche d’âge. Deux utilitaires inaugurent la gamme Supéria. Le premier, du nom de Sirène dans un simple appareil est dépourvu d’amortisseurs arrières. Plus cossu, l’Avanti possède un pare-chaîne hermétique, des garde-boue très enveloppants, un amortissement hydraulique. Ces deux modèles sont disponibles avec deux motorisations au choix : Sachs ou Victoria sans différence de prix, avec des performances similaires. Viennent ensuite des cyclo-scooter aux livrées communes bleu et blanc colonial. L’Aristocrate, le Président et plus tard le Jet ressemblent à s’y méprendre aux Parisienne et Consul du concurrent. Le cadre est en tôle emboutie, le pilote est protégé par un large tablier, les arrêtes du garde-boue arrière rappellent les lignes tendues américaines.
SUPERIA JET
Le modèle sport de la gamme s’essaie sans parvenir à équilibrer son allure. Si le moteur Sachs 3 vit. fait son apparition dès le début, l’hésitation est essentiellement esthétique. Muni d’un cadre en tôle emboutie, le Sport fait place au Speed-Star à cadre tubulaire. l’ensemble selle-réservoir est de bel effet mais contraste avec le style mal défini des garde-boue disproportionnés, une fourche mal adaptée et un cadre qui laisse une impression de fragilité.
La vocation sportive n’est certainement pas une priorité dans les catalogues de 1961 ou 1962.
Supéria réagit néanmoins en début d’année suivante en dévoilant le Full Speed (ci-dessus) remplaçant le Speed Star, concurrent direct et inspiré des Flandria Record.
Même
si l’engin reste relativement cossu, le Full Speed est équilibré ; en
témoigne une ligne descendante, des teintes discrètes.
Quant aux éléments qui l’agrémente, ils sont de bonne facture : fourche télescopique à molettes de réglage, moyeux en alliage léger, réservoir imposant et abondance de chromes. La position sportive est même au rendez-vous grâce à l’adjonction de repose-pieds reculés.
Au niveau de la motorisation, Supéria fait le choix de ne pas se lancer dans un investissement hasardeux. N’oublions pas que nombre de constructeurs se sont heurtés à de grandes difficultés financières suite à l’étude d’un moteur. La gamme utilise toujours les moteurs Victoria mais équipe notamment les engins destinés à l’exportation chez le motoriste Sachs. Le moteur, qu’il s’agit du 3 ou 4 vitesses n’a plus besoin de prouver ni son efficacité ni sa robustesse. D’autres
marques se sont évertuées à valoriser le moteur. Citons pour mémoire le constructeur Vap aidé de Georges Monneret. Mais les retombées immédiates pour le premier ne sont pas pour autant ressenties chez le constructeur belge.
Le modèle évolue très rapidement en abandonnant un style transalpin qui pourtant lui seyait parfaitement. En 1964, tout en conservant le châssis, le Full Speed ne sera jamais aussi provocateur que les concurrents tapageurs. Remodelé, il est paré d’un réservoir aux sections moins généreuses et surtout fixé trop bas. Déconcertant, le modèle pourtant sportif de la gamme est affublé d’origine d’un porte-bagage et renoue au fil des ans à la vogue nordique; Les éléments tels la selle, ou des roues de section inférieure l’engourdissent. La boîte 5 vitesses ne constituera pas un argument de choc. La déconvenue a même son paroxysme: le Full Speed de Luxe dénigre le châssis sport par l’ajout de flasques imposantes qui rendent la poutre centrale invisible !
Avec les années 1970, le cyclo-sport connaît une embellie nouvelle. Supéria rénove complètement sa gamme et présente l’Apollo. Mais à y regarder de plus près, le modèle n’a réellement plus rien d’original. Le constructeur, qui quelques années auparavant arguait une fabrication maison de la presque totalité des éléments, entérine la politique de l’assemblage. Le cadre ressemble à un Malaguti, le réservoir à celui d’un Négrini, le moteur est sans doute un Minarelli rebaptisé. Certes le cyclomoteur a de quoi séduire par rapport aux modèles précédents. Il est réellement racé avec son réservoir long, sa selle courte et ses couleurs vives. Quand la rondelle percée d’un trou de 8.5 mm de diamètre est retirée de la pipe d’admission, le cyclo se montre véloce et rassurant. Mais au même titre qu’un concurrent !
JMR